mardi 7 juillet 2015

AGADIR les habitants sont les Gadiris

Jamais voyage en autocar ne m’a paru si long ! 7 heures de  route, de Ouarzazate à Agadir. 7 longues heures avec seulement une demi-heure d’arrêt !!! Apparemment le chauffeur a un problème avec la clim' et le temps de la réparer, il prend du retard. Je peste un peu intérieurement qu’il n’y ait pas un autre arrêt d’une petit demi-heure, ne serait-ce que pour déplier mes genoux et mon dos, ainsi que pour me dégourdir un peu les jambes. De toute façon, ai-je le choix ?

Lorsqu’on arrive enfin, en me levant, je sens une douleur aigüe derrière les genoux, je peux à peine marcher. En descendant de l’autocar, des âmes charitables me tendent la main pour m’aider, mais j’ai tellement mal que j’ai peur de ces hautes marches et je manque de tomber. En me relevant, j’ai si mal que je peux à peine marcher. Et c’est dans ces conditions que nous avons notre premier contact avec Brahim. Il nous attendait à la gare routière et tout de suite le contact s’est établi.

En principe, les voitures et les taxis sont interdits d’accès à la gare routière. Brahim arrive à convaincre le vigile qu’il ne m’est pas possible de marcher et obtient son accord pour permettre à un taxi d'entrer afin de venir me chercher…. Ouf, je n’aurais pas pu faire un pas de plus.

Arrivés à la maison, une jeune femme souriante nous ouvre la porte : c’est Saadia, l’épouse de Brahim. On est tout de suite mis à l’aise, et on accepte avec grand plaisir le thé à la menthe de bienvenue. Nous faisons aussi connaissance avec Ymane (prononcer Ymen) leur fille. Ils ont un fils que nous ne verrons pas puisqu’il étudie en France.

Lorsque Saadia nous précise que notre chambre est au 2ème étage de la maison, je me dis : "Bon ma grande ça te fera de l’exercice". Je vois que Saadia est désolée pour moi, il ne faut pas, l’escalier est une forme de rééducation !

Nous passons une très bonne soirée à faire connaissance. Saadia est en activité professionnelle (pardonne-moi, mais je ne sais plus dans quel domaine,). Brahim était professeur de biologie-géologie. Le jour où le plaisir d’enseigner l’a déserté, il a pris sa retraite. Mais une retraite active, et positive. Ainsi, quand il en a le loisir, il s’adonne seul ou en famille à la pêche et c’est devenu une passion.


Agadir et sa plage
Mais son activité principale de retraité, c’est la création d’une crèche accueillant nombre d’enfants en bas âge, une crèche rendant bien service aux familles qui travaillent. Il faut savoir qu’au Maroc il n’existe pas de structures d’accueil pour les tout petits jusqu’à l’école primaire. Cette crèche est encadrée par Brahim et quelques animatrices. Saadia, quand elle en a le temps et le loisir, va leur prêter main forte bénévolement. Il faut savoir que la crèche ne perçoit aucune subvention du gouvernement mais uniquement des dons privés.

Nous parlons de tout, sans restriction, comme avec les familles que nous avons déjà rencontrées. Ce sont des personnes ouvertes, tolérantes, chaleureuses et - cerise sur le gâteau - elles ne sont pas dépourvues d’humour, ce qui nous met à l’aise très rapidement. Nous commençons à sentir la fatigue des 7 heures d’autocar et Saadia est, elle aussi, épuisée par sa journée de travail. Donc tout le monde au dodo. Demain c’est samedi et Saadia ne travaille pas, chic !

Au petit déjeuner, Brahim et Saadia nous proposent d’aller à la plage. Même si le temps est gris, ce sera vraiment agréable d’enfiler enfin nos maillots de bain pour faire trempette. Une fois arrivés, Jean-Noël et Brahim avisent le plagiste d'un hôtel planté aux abords et qui propose des chaises longues ou des chaises. Ce qui me va très bien puisque je ne peux pas m’allonger sur le sable…. Mes articulations ne me le permettent hélas pas… J’ai trop peur de ne pas pouvoir me relever. Et là, je me sens comme une reine sur son trône ! Ce n’est pas trop désagréable. 


" Comme une reine sur son trône "


Saadia reste avec moi et nous parlons de beaucoup de choses, en allant jusqu'à échanger des confidences.

Je vois, à ma grande stupeur, Jean-Noël qui se jette à l’eau ! Ca alors, lui qui est si frileux d’habitude ! En plus, il y a des vagues assez fortes et Monsieur batifole ! Quand il revient, il me dit que l’eau est bonne et ça me fait envie. Puis il part avec Brahim et Ymane chercher des coquillages, plus précisément des « pignons ».


La plage d'Agadir

Je me mettrais bien à l’eau moi aussi, mais pour marcher dedans : il paraît que l’eau de mer est bonne pour les jambes. Je ne demande qu’à vérifier ! Je commence à peine à mettre le bout de mes doigts de pieds que je comprends mon erreur. Il y a des bosses et des creux dans le sable, et les vagues qui déferlent sur moi. J’ai beau faire, elles me font perdre l’équilibre et voilà que je tombe !!! Je n’arrive pas à me relever, je n’ai même pas de point d’appui. Je vois un monsieur tout près, je l’appelle, je lève mon bras mais il ne semble pas comprendre. C’est sûr, l’Atlantique ne m’aime pas et je vais mourir ici ! Je panique vraiment.

Lorsque je lève la tête, je vois Saadia qui arrive en courant. Elle a vu mon bras se lever. Au début, elle pensait que c’était pour lui faire coucou ! Puis elle a vite compris qu’il y avait un problème. Je la vois arriver en courant et, avec le monsieur (qui commence enfin à réaliser que je suis en difficulté), ils essaient de me soulever. Mais, malgré leurs efforts, ils n’y arrivent pas. Soudain, surgissant de nulle part, viennent à mon secours six beaux jeunes hommes, bien musclés, qui réussissent à me sortir de là…. Estelle sauvée des eaux par des beaux gosses ! Je vous promets que je ne l’ai pas fait exprès, mais j’avoue que c’était bien agréable. Je suis de nouveau debout, je chancelle un peu, mais avec l’aide de Saadia, je parviens tant bien que mal à rejoindre le fauteuil.

Pour dédramatiser un peu la situation, Saadia plaisante et j’arrive à rire avec elle de cette mésaventure où je me sens quand même stupide.

Après la plage et les émotions fortes, nous allons prendre un verre à une terrasse de café puis nous rentrons à la maison en milieu d’après-midi. Je fais une petite sieste pendant que Jean-Noël sort avec Brahim pour visiter le souk et faire quelques courses.

A mon réveil, je rejoins Saadia et Ymane qui officient déjà en cuisine. J’ai un peu honte d’avoir dormi si longtemps, mais Saadia me rassure et me déculpabilise.

En discutant, je m’aperçois que nous avons le même sens de l’humour et  le même regard sur la vie. Les soucis, qu’ils soient à Brunoy ou à Agadir, se ressemblent beaucoup.

La soirée est plus qu’agréable. Nous pouvons parler de tout en toute liberté. Nous aimons comprendre le mode de vie et les traditions marocaines. De leur côté, nos hôtes sont également curieux de nous connaître, de savoir comment nous vivons, et comment nous faisons, nous aussi, face aux problèmes de la vie. C’est un échange enrichissant sur tous les plans. Nous sommes des humains et quelque part nous nous ressemblons plus que nous le croyons.

Depuis notre arrivée au Maroc, nous sommes convaincus, Jean-Noël et moi, d’avoir fait le bon choix en choisissant de vivre, pour un laps de temps très court à chaque fois, chez l'habitant. Chaque famille est différente, attachante et pourtant si proche par certains aspects. 

Brahim, Saadia et Ymane affichent une belle sérénité, une belle harmonie et une grande paix intérieure. Je tenais à le dire. Ils me font du bien à l’âme.

Lorsque je disais que, jusqu’à présent, les familles se rendaient disponibles, celle de Brahim n’a pas dérogé à cette hospitalité coutumière des marocains. Ce  dimanche matin, ils nous emmènent dans les environs d’Agadir. C’est ainsi que nous nous arrêtons à Taghazoute (prononcer Tarazoute). C’est une ville charmante en bordure de mer. La plage de sable est immense. Vu ma mésaventure de la veille, j’ai un peu peur de me mettre à l’eau. De toute façon, je n’ai pas pris de maillot de bain, donc ça règle le problème.


Taghazoute et sa plage

Taghazoute

Comment vous décrire la belle Taghazoute ? Tout d’abord cette station balnéaire est située entre la pointe sud-ouest du Haut Atlas et l’Océan Atlantique. 
Cette petite ville est toute en montées et en descentes et je me 

fatigue rapidement. 
Eh bien, figurez-vous que Brahim a mis un fauteuil dans la voiture pour que je puisse m’asseoir et reprendre mon souffle ! Je lui en suis reconnaissante, aujourd'hui encore !


Vue imprenable sur une rive rocailleuse de Taghazoute


Taghazoute


 Nous continuons en direction d'un petit port de pêche. On voit les pêcheurs préparer les poissons et jeter leurs entrailles à la multitude de chats (je n'en ai jamais vu autant, des tout petits aux plus âgés, dans les rues des grandes villes).


Vestiges sur le parcours
 Là, grâce aux pêcheurs, ils ne mourront pas de faim.

On s’attarde un peu, Ymane et Brahim ont l’intention de se baigner. Il faut dire que le temps est beaucoup plus clément que la veille. Saadia reste avec moi à regarder une course de moto-cross qui se produit sur la plage. Lorsque la course se termine, les familles s’installent pour pique-niquer et les barques de pêcheurs peuvent de nouveau accoster. Bref le calme qui revient. Saadia va rejoindre Brahim et Ymane.  Jean-Noël et moi restons là à regarder dans la même direction  et à nous imprégner de cette atmosphère.



Nous rentrons sur Agadir et pour remercier nos hôtes de nous avoir pilotés dans la région, nous souhaitons les inviter dans un restaurant où l’on sert poissons et fruits de mer. Nous nous installons dans un établissement qui vient d’ouvrir ses portes. Il n’y a plus de place en terrasse. Qu’importe, la salle est spacieuse, très claire et les tables ne sont pas serrées les unes sur les autres. On est tous d’accord pour commander un plat commun. Ce sera une friture royale. Mais attention, ce ne sont pas des éperlans comme chez nous. Ce sont, entre autres, des gambas et différents poissons frits. C'est très fin, exquis et copieusement servi. Nous n'avons même plus de place pour un dessert !!!!

Pour digérer un peu, Brahim nous emmène à l’ancienne kasbah* qui a été détruite lors du tremblement de terre de 1960. Brahim, Jean-Noël et Ymane vont se promener à l’intérieur tandis que Saadia et moi nous asseyons sur un muret pour admirer la vue. 


Vue plongeante sur Agadir



 Il faut dire que ce site est sur un monticule et que l'on domine toute la baie, le port et la ville nouvelle. Je ne me lasse pas de cette vue. Je me doute qu'au coucher du soleil ça doit être féérique mais nous n'attendrons pas jusque-là.


Agadir (depuis les ruines de l'ancienne kasbah)
Ruines de l'ancienne kasbah (détruite par le séïsme de 1960)

Lundi matin, Saadia part travailler. Aujourd’hui je m'octroie une journée de répit, une journée tranquille, quoi. Je veux écrire des cartes postales et mettre à jour mon cahier-souvenirs. Donc c’est décidé, je reste à la maison. Brahim et Jean-Noël emmènent Saadia au travail et ensuite ils vont sillonner le port toute la matinée. Jean-Noël observe la démarche de Brahim qui fait le tour des pêcheurs. Puis, juste avant la fin du « marché », il avise un pêcheur auquel il reste suffisamment peu de poissons pour qu’il accepte de baisser son prix. Et hop ! l’affaire est dans le sac. Brahim et Jean-Noël sont suivis par une tribu de chats que notre hôte régale de quelques poissons.


Le port d'Agadir

Tout en écrivant mon courrier, je me laisse aller à regarder un film avec Ymane. Ca a du bon de rester un peu tranquille. Ca me permet de discuter un peu avec Ymane qui est une jeune fille très sympathique et agréable à l’image de ses parents.

Quand Saadia rentre du travail, elle ne prend pas le temps de se reposer un peu ; elle se met tout de suite aux fourneaux. Elle nous prépare le Sefa. C’est un « couscous » sans semoule, mais avec des cheveux d’ange. Tiens, je vais vous mettre un peu l’eau à la bouche sans vous dévoiler la recette complète mais en vous décrivant la présentation. On dépose d’abord les pâtes mélangées à des raisins secs au fond d’un plat, puis la viande (au choix !), elle-même recouverte d’une autre couche de pâtes. On saupoudre le tout d’amandes ou de cacahuètes. Et c’est parti pour une « chasse au trésor ».

C’est un mets qui se mange à même le plat. Voilà un moment de partage et de convivialité que nous savourons sans modération. Nous remercions nos hôtes pour les instants que nous avons vécus chez eux. Il y a déjà comme un petit air de nostalgie mais les au-revoir sont toujours un peu difficiles.

Mardi matin je me lève suffisamment tôt pour partager notre dernier petit déjeuner avec Saadia avant qu’elle parte travailler, tandis que nous prendrons l'autocar pour  Essaouira. 

Brahim nous fait la surprise de nous cuisiner de succulentes sardines fraîches grillées au four. Je me régale surtout de manger sans vergogne avec les doigts !!!! C’était une attention qui nous a vraiment touchés et c’est à l’image de cette famille pleine de délicatesse.

Brahim nous accompagne à la gare routière. A l’entrée je présente ma canne au vigile pour lui montrer que je marche difficilement et obtenir la permission d'entrer dans l’enceinte de la gare routière en voiture. Par chance, il s’avère que le garde est un ancien élève de Brahim. Le monde est petit…. ce qui facilite  parfois bien les choses !

En principe l’autocar pour Essaouira est prévu pour 12h30.
13h30  : rien ! Brahim est vraiment obligé de partir pour son travail à la crèche ! C’était déjà si gentil d’attendre aussi longtemps avec nous, c’est donc le moment de se dire au-revoir. C’est comme ça, c’est la vie. Finalement l’autocar arrive à 15h30 au lieu de 12h30 !!! A sa décharge, il arrive de Dakhla (prononcer Darla) qui se situe sur une presqu’île dans le Sahara Occidental, à l’extrême sud-ouest marocain.

Et maintenant, au revoir Agadir, bonjour Essaouira. 5 heures de route nous attendent pour arriver à destination.




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